Lorgues

Casimir DAUPHIN
( 1820-1888 )

 On peut imaginer le plaisir éprouvé par le jeune cordonnier dans la fréquentation fraternelle de lettrés dont il partage les opinions démocratiques et les goûts littéraires, où se croisent le français et le provençal. Ces amitiés toulonnaises dureront. On peut en juger par les dédicaces que risque Dauphin dans la série de ses publications provençales (apolitiques) au début du Second Empire. Paul (1853) est dédié " A mon excellent ami Mouttet " (l'avoué Alexandre Mouttet, bibliophile bien connu, ami de Victor Gelu). Marieto (1854) est dédiée au journaliste démocrate de réputation nationale Louis Jourdan, dont il rappelle, en clin d'il pour les initiés, l'engagement démocrate de ses textes provençaux de 1847, sous le pseudonyme de Bourtoulaïgo : " A Louis Jourdan. / Ti souvènés, ami, dé Pierré Bourtoulaïgo, / Qu'avent couneissu passa temps... " _Et Lei Vieils camins (1861) sont dédiés à Charles Dupont à peine de retour d'un long exil après sa condamnation par contumace au lendemain du coup d'État. _Le croisement de ces deux données, engagement politique et écriture provençale, permet d'appréhender comment a pu être vécue, par beaucoup de Toulonnais et de Varois, l'espérance républicaine avancée de la fin des années 1840, et comment elle a cheminé, en dépit de toutes les pressions et de bien des reniements, sous le Second Empire.

La première intervention publique de Dauphin est un court poème en provençal, publié dans le journal démocrate-socialiste Le Démocrate du Var, (n°82, 7 avril1850) : " Oou citouyen Cascayoun " (Cascayoun est le pseudonyme de Charles Dupont, qui commence à publier des chroniques politiques en provençal dans le journal). Le texte est signé " Ambrosi, Booudinard, lou 30 mars 1850 ". Dupont en lèvera plus tard l'anonymat. Dauphin a-t-il choisi Baudinard comme emblème de cet extrême Haut Var rural, si loin de Toulon ? Ambrosi y est paysan, bouvier, il mène les boeufs et l'araire... Preuve de l'écho des articles de Dupont en direction des paysans. De son enfance, Dauphin avait-il gardé des attaches dans ce haut pays où le patronyme de Dauphin se rencontre souvent ? _Dans cette période troublée, des années 1849-1851, période de dur militantisme et de répression, Dauphin, sans être un cadre de l'action, est un démocrate-socialiste affirmé. Dupont, qui le rencontre lors de la manifestation toulonnaise ratée contre le coup d'État, évoque " le citoyen Casimir Dauphin, auteur de charmantes poésies provençales, et le plus dévoué propagandiste des classes ouvrières " [4]. Mais les " charmantes poésies provençales " sont encore dans ses tiroirs, et Dauphin ne les publiera qu'au lendemain du coup d'État. _Paul, poème en vers provençaux (patois des environs de Draguignan), par Casimir Dauphin, Toulon, Aurel, 1853, et Marieto, poème en vers provençaux par Casimir Dauphin, Toulon, Aurel, 1854, ont en commun la même thématique [5]. Amours villageoises, accomplies ou contrariées, jusqu'au drame... Marieto s'ouvre sur cette citation de Victor Hugo : " Oh ! n'insultez jamais une femme qui tombe ! ". Rien ici qui évoque la vie de la ville, et encore moins, l'air du temps l'explique, le terrible trauma de 1851. Dauphin n'en a pas été victime directe, il ne figure par parmi les emprisonnés, mais Dupont dira dans ses souvenirs combien ses affaires d'artisan commerçant ont été difficiles dans une cité où les conservateurs le battaient froid. Nous reviendrons dans un autre article sur cette période mal connue où Dauphin va passer de l'artisanat à l'enseignement. Bornons nous à signaler ici une plaisanterie caustique, Rénarié deus chins sur l'impot. Lettro dé Turc a sou ami Peco traduite par Casimir Dauphin, Auteur de Paul, de Marieto, J.Renoux, Toulon,1856.

[5] On peut lire ces pièces sur : sites.univ-provence.fr/tresoc/libre...
[6] René Merle, Les Varois, la presse varoise et le provençal, 1996, p.24.
 

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